Maaanahoana ndriiiii! (Quoi de neuf chériiiie?)

Ou La femme malgache, les responsabilités sociales et professionnelles et le sexisme

Chers lectrices et lecteurs, cet article sera long, je vous préviens, d’autant plus que j’étais absente pendant plusieurs mois.

J’aimerai explorer les situations qui me poussent à pencher vers le féminisme, ce féminisme qui permet aux femmes de s’assumer en tant que personne entière, et d’assumer leur choix et leur responsabilités.

Pourquoi à Madagascar, le sexisme est si fortement ressenti?

Je suis une femme active, et j’ai déjà habité à Antananarivo ainsi que dans 3 autres régions côtières de Madagascar pendant une durée assez longue pour comprendre et maîtriser les dialectes locales. Et partout, le sexisme est comme un fardeau que nous, femmes, portons sur nos épaules, qui nous ralentit dans nos évolutions et même, qui bloquent les communications que l’on peut considérer comme normales dans un monde plus équitable.

Mais en premier lieu, définissons ce qu’est le sexisme.

L’Encyclopediae Universalis le définit comme: « attitude de discrimination basée sur le sexe (féminin la plupart du temps) ».

Le terme est apparu dans les années 60 principalement aux USA et résulte d’un calque du terme « racisme ». De ce fait, il fait le parallèle entre les discriminations et oppressions subies par le peuple de race noire et celle, plus diffuse, et sous-estimées que subissent les femmes. Cependant, de part le fait que hommes et femmes sont physiologiquement différents, ce type de discrimination est particulière par rapport à ce qu’on considère comme racisme, où, seules la couleur de peau et/ou l’origine ethnique diffèrent. [https://www.universalis.fr/encyclopedie/sexisme/#i_0]

Toutes les régions de Madagascar ont leur représentation de la femme et de son rôle dans la société. Cette représentation est depuis longtemps gravée, figée, telle une statue de pierre, et toute femme qui ose imaginer sortir de cette représentation est très mal vue par la société.

Et c’est ainsi que, de manière naturelle et normale, Tantine Zety vous demandera quand allez-vous vous marier, ou pire, vous dit de « ne pas perdre trop de temps dans les études car d’ici-là, tous les hommes seront pris par les autres »! Mais de quoi je me mêle?

Et si par chance vous êtes mariées, on vous demande quand on aura des enfants? et si on en a, ce sera quand le deuxième?le troisième?le quatrième?Il faut un garçon, trois filles ce n’est pas suffisant! Bref, vous êtes une machine à bébés.

Bizarrement, très peu de gens vous demanderont comment se passe votre travail, en quoi cela consiste, est-ce que c’est passionnant? Tout simplement parce que, pour nous malgaches, le travail n’est pas compatible avec le rôle de mère et de femme au foyer dans lesquels nous sommes figées aux yeux de la société. La question sera plutôt, comment tu fera avec le bébé quand tu reprendras le boulot?Tu pense qu’il ira bien? Sachez mesdames et messieurs que les femmes sont les êtres les plus prévoyantes qui soient, et quand il s’agit de leur bébé et leur ménage, encore plus (sauf exception bien sur, car il ne faudrait pas non plus tomber dans le piège de nous figer nous-même dans une image).

Ce n’est pas étonnant que quand la femme malgache arrive au travail, il y a souvent d’une manière ou d ‘une autre, ce sentiment qu’elle n’est pas à sa place. Une petite remarque, apparemment anodine venant du chef qui se veut inquiet: « les enfants ne vous manquent pas trop? », « votre mari prend cela très bien finalement… »; et ô combien d’autre remarques insultantes tout simplement parce qu’on est une femme.

Et donc, une femme qui se respecte chez nous, ne doit pas être trop ambitieuse au risque de faire souffrir son ménage, et doit être une fée du logis, douce et attentionnée.

Qu’en est-il du lieu de travail?

Je ne parlerai que de mon expérience personnelle mais je vous invite à partager le votre également.

Je pense que plusieures d’entre nous ont eu droit à cet inconnu, venu pour la première fois dans votre lieu de travail qui, une minute plus tôt était capable de parler normalement avec un collègue masculin et qu’en vous voyant, vous salue d’un: « Maaanaaahoana ndriiiiii! » (les malgachophones comprendront) en minaudant? Et là, vous avez envie de lui flanquer une droite mémorable!

Seulement, dans ces cas-là, on ne sait jamais ce qu’on doit répondre, on doit rester courtois, prouver qu’on est professionnelles et en même temps, on a peur de l’encourager dans ce comportement débile. Car, oui, le mec il pense qu’on ne le comprendra que lorsqu’il minaude comme cela, exactement comme lorsque nous, adultes, on pense que lorsque l’on parle avec un bébé, il faut utiliser un langage spécial genre « rototo » et « baba ». D’abord, quand on a un enfant, les pédiatres conseillent de lui parler normalement afin de lui permettre d’apprendre mieux le langage.

Mais donc, est-ce que les hommes nous considèrent comme des arriérées ou sous-développées mentales, pour nous aborder d’un manière différente que pour les autres personnes du sexe opposé? Là est la question.

Parce que je vous dis, j’aurais beau avoir un poste assez élevé dans la hiérarchie et un âge qui est loin, loiiin, dans la trentaine, j’ai droit à cela au moins 1 fois par mois en moyenne. Et là, on se dit que l’échange vaudra mieux s’arrêter là!

Quand on est une femme, dans un poste à responsabilité et dans un milieu typiquement masculin, on sera toujours la petite fille pour certains, car, Dieu merci, les hommes de la génération des millenials sont beaucoup plus évolués et beaucoup sont prêts à vous apporter la considération adéquate à votre travail. Bravo les champions! (il faut les encourager).

Le plus gros défi a toujours été l’homme blanc de type européen entre 40 ans et 65 ans. Celui qui est insécure par rapport à ses compétences et son autorité, et croit qu’une donzelle, –malgache de surcroit– n’a rien à lui apporter de plus qu’il ne le sait déjà avec ses 25 ans d’expériences.

Alors comment doit-on s’y prendre dites-vous mes sœurs?

Il faut d’abord faire preuve de psychologie, car chacun a son caractère propre, les uns attendent que vous leur teniez tête au moins une fois avant de vous accorder le respect, qu’autres, auront besoin d’un ennemi commun avec vous pour pouvoir vous faire confiance, d’autres ne vous l’accorderont d’ailleurs jamais. L’important est de ne pas vous compromettre, soyez authentiques, professionnelles, ne cherchez pas à vous faire aimer à tout prix, ce n’est pas le but du jeu, le but est de gagner un respect et une considération égaux entre collègues masculins et féminins, juste cela! L’égalité salariale, on en reparlera 😉

Et nos jeunes filles dans tout cela?

 

Je constate que les jeunes filles et adolescentes sont sexualisées très tôt. On voit des commentaires sur les réseaux sociaux où on traite de jeunes filles de « galofantsy » (pros de la chose). Mais dites-moi, ne serai-ce pas vos fantasmes inavoués que vous exprimez là? Qu’en savez-vous? Ne mélangez pas la naïveté d’une adolescente qui suit juste un phénomène de société à l’actrice que vous suivez sur xhamster. Et puis, si elles ne correspondent pas à l’image virginale que vous vous faites, c’est leur droit. Vos bons conseils de senior seront les bienvenus dans leur vie mais votre mépris, gardez-le pour votre miroir, parce que, finalement, elles représentent la fille populaire qui vous a ignorée à l’adolescence et vous vous vengez en faisant un « slut-shaming ».

D’un autre côté, on a une trop grande lacune dans notre système éducatif pour pouvoir assurer un épanouissement sain de notre jeunesse, l’influence des réseaux sociaux et le manque de régulation d’internet ajouté à cette ignorance rampante deviendront une bombe à retardement dans les prochaines années. L’information n’a jamais été aussi accessible qu’aujourd’hui et pourtant, le besoin de s’informer des jeunes générations n’a jamais été aussi inexistant.

L’éducation est pourtant la clé, que ce soit pour les filles que les garçons, pour apprendre le respect mutuel, la non-violence, l’écoute et l’échange et surtout la cohabitation harmonieuse. Eduquons nos filles! Eduquons nos garçons!

Alors, mes sœurs, dans ce combat pour une meilleure considération, pour le respect de nos choix, que l’on soit femme active ou mère au foyer, il faut que l’on soit unies! Nous méritons toutes d’être considérées comme des êtres humains à part entière, et non une sous-espèce à l’intelligence sous-développée.

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